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Dans quels cas la police peut-elle prendre ma photo ?
Question numéro 366 du Manuel, Chapitre 12 : Photos et vidéo-surveillance
lundi 29 juin 2015
Ça dépend des circonstances.
Si je suis arrêté, les policiers ne peuvent prendre ma photo que s’ils reçoivent l’ordre d’un magistrat ou si elle est nécessaire pour m’identifier [1]. Dans tous les autres cas, ils devraient avoir mon accord (n°175-176).
Si je participe à une manifestation ou une réunion publique, c’est par définition une activité où je souhaite exprimer publiquement mes opinions. Rien n’interdit ni aux policiers ni à quiconque d’y prendre des photos de moi ou du groupe [2] sans les publier. Si je masque mon visage pour rendre la tâche des policiers plus ardue, je deviens délinquant [3] (n°37).
Dans tous les cas, les policiers ne peuvent me prendre en photo, même dans des situations privées, que si elle présente un “intérêt concret” pour une enquête judiciaire ou le maintien de l’ordre public [4] . S’ils veulent prendre des images de l’intérieur d’un lieu privé, ils doivent remplir des conditions supplémentaires (n°253-254, 375).
En pratique, au moment où les policiers me prennent en photo, je pourrai difficilement m’y opposer. Je peux essayer de leur demander poliment à quoi servira le cliché et combien de temps ils vont le conserver mais rien ne les oblige à me répondre. Mais s’ils conservent la photo ou l’insèrent dans un fichier, ils doivent respecter les conditions du fichage (n°403-409). S’ils reproduisent ou diffusent ma photo ou un film où je suis reconnaissable qui n’a pas d’intérêt concret pour leurs missions, ils doivent avoir mon accord, sinon ils violent mon droit à l’image [5] .
Même si je me trouve dans un lieu public en me balade dans la rue ou dans un parc, j’ai droit au respect de ma vie privée (il suffit de penser à tous ceux “qui se bécotent sur les bancs publics”) [6]. Les policiers ne peuvent pas reproduire ma photo sans conditions, par exemple si :
- je tente de me suicider en m’ouvrant les veines à un carrefour sur une voie publique [7] ;
- je dîne au restaurant avec mon amoureux [8] ;
- je fais du sport dans un parc avec mes enfants [9].
[1] LFP 35 ; COL 20/2010 du 4 octobre 2010 sur le triptyque d’identification judiciaire.
[2] Comm. EDH, Friedl c. Autriche, 19 mai 1994
[3] CP 563 bis.
[5] Loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, art. 10. C’est à celui qui utilise l’image d’apporter la preuve du consentement de la personne dont l’image est diffusée (Bruxelles, 7 avril 2000, RG 96/AR/3688, www.juridat.be/).
[6] Selon la CEDH, il existe “une zone d’interaction entre l’individu et des tiers qui, même dans un contexte public, peut relever de la vie privée” (CEDH, Von Hannover c. Allemagne, 24 juin 2004, § 50-53).
[7] CEDH, Peck c. Royaume-Uni, 28 janvier 2003, § 59-63.
[8] CEDH, Von Hannover c. Allemagne, 24 juin 2004, § 49 et 61.
[9] CEDH, Von Hannover c. Allemagne, 24 juin 2004, § 61.